vendredi 12 décembre 2014

Un Noël de Maigret - Georges Simenon

Editions Presses de la Cité, Le Livre de Poche, 95 pages
Edité pour la 1ère fois par Presses de la Cité en 1951.

Un Noël de Maigret est à l'origine un recueil de 3 nouvelles : Un Noël de Maigret, Sept petites croix dans un carnet et "Le Petit Restaurant des Ternes ; Conte de Noël pour grandes personnes"
Seule la première nouvelle met en scène le commissaire Maigret, mais la nouvelle Sept petites croix dans un carnet a cependant été adaptée à l'écran avec Bruno Cremer dans le rôle du célèbre commissaire. Ett l'intrigue s'y déroule en plein mois d'août alors que dans la nouvelle, l'histoire se passe  à Noël.

Attention : l'édition que je présente ici ne comprend que la première nouvelle : Un Noël de Maigret.

Cette nouvelle a été écrite par Georges Simenon en mai 1950, à Carmel by the sea en Californie.

L'histoire se déroule boulevard Richard Lenoir à Paris, chez le commissaire, le jour de Noël.

Résumé : Le matin de Noël, alors qu'il est chez lui - encore en robe de chambre - en compagnie de son épouse, le commissaire Maigret reçoit la visite de deux de ses voisines d'en face. La nièce de l'une d'entre elles, Colette, 7 ans, est alitée car elle s'est cassé la jambe. Dans la nuit, elle a été réveillée par la lueur d'une lampe électrique et elle a aperçu le Père Noël accroupi dans sa chambre, en train de faire un trou dans le plancher :

"Elle a cru que c'était par là qu'il voulait passer pour entrer chez les gens d'en-dessous, les Delorme, qui ont un petit garçon de trois ans, et elle a jouté que la cheminée était sans doute trop étroite.
L'homme a du se sentir observé. Il parait qu'il s'est levé et qu'il est venu vers le lit sur lequel il a posé une grande poupée, en mettant un doigt sur ses lèvres.
- Elle l'a vu sortir ?
- Oui.
- Par le plancher ?
- Non. Par la porte." (page 19)

D'une manière générale, je reproche deux choses aux nouvelles de Noël écrites par des auteurs de romans policiers : souvent, l'ambiance de Noël est assez peu présente (de ce point de vue, Christmas Pudding d'Agatha Christie fait exception à la règle, elle décrit magnifiquement un Noël traditionnel anglais). 
Le second point est que les intrigues sont souvent moins fouillées que les romans que les auteurs ont l'habitude d'écrire. Cela s'explique sans doute parce que les récits de Noël sont des nouvelles et non des romans.

Un Noël de Maigret ne fait pas exception à la règle.

En fait, Noël est bien présent, mais d'une manière où je ne l'attendais pas. Quand je parle d'ambiance de Noël, je veux parler de décorations, de guirlandes électriques qui scintillent, de sapin et de couronnes, de chants, de retrouvailles familiales, bref d'un peu de magie.

Or Simenon, qui est souvent décrit comme l'écrivain du désenchantement, a choisi ici de parler de solitude, solitude d'autant plus vive,  pour les personnes qui y sont confrontées, en ces périodes de fêtes.
C'est l'impression que j'ai ressentie en lisant ces pages : la petite Colette est orpheline de mère, elle a été recueillie par son oncle - souvent absent car il est représentant, il est d'ailleurs à Bergerac en ce jour de Noël - et une tante avare et qui ne l'aime guère. Son père est alcoolique et aux abonnés absents.
Quant la tante voit que Colette a reçu une belle poupée pour Noël, plutôt que de lui donner aussi celle qu'elle avait achetée - une poupée a bas prix - elle prévoit d'aller la reporter au grand magasin. Elle n'a pas de problèmes financiers, non,  elle est pingre au dernier degré !

La voisine du couple, Melle Doncoeur, vit seule, elle a probablement vécu seule toute son existence, elle s'est attachée à la petite Colette à laquelle elle rend des visites quotidiennes.

[Le commissaire] : A présent j'aimerais dire deux mots à Melle Doncoeur.
Celle-ci le suivit dans le corridor, puis le dépassa pour ouvrir la porte de son logement, qui sentait le couvent.
- Entrez, monsieur le commissaire. J'espère qu'il n'y a pas trop de désordre.
On ne voyait pas de chat, pas de petit chien, pas de napperons sur les meubles ni de bibelots sur la cheminée. (p 47)

Quant au couple Maigret, il n'a pas d'enfant. Cela peut être un choix, bien sûr, mais pour eux manifestement, ce n'est pas le cas et l'on sent la blessure alors qu'ils savent que les enfants du voisinage sont en train de déballer leurs cadeaux.
Pas d'enfants, pas de famille non plus, à part la sœur de Madame Maigret qui vit loin et avec qui ils ne sont pas très liés.

Chut ! Ne pas penser à cela. Ne rien dire qui puisse y faire penser. Ne pas trop regarder dans la rue, tout à l'heure, quand des gamins commenceraient à montrer leurs jouets sur les trottoirs.
Il y avait des enfants dans la plupart des maisons, sinon dans toutes. (p 10)

Par contre on sent chez eux ce dont les autres personnages du roman sont démunis en ce matin de Noël : la tendresse qui les unit.

J'étais dans l'attente d' une autre approche de Noël, mais cette nouvelle confirme ce qui me fait aimer les romans de Simenon : il est très doué pour décrire une ambiance, planter un décor en quelques lignes.
Et, d'un certain côté, j'approuve son choix car il est réaliste. Noël, c'est aussi cela.
Nous voici donc invités chez le commissaire, en ce matin de Noël, dans son appartement, dont il ne sortira brièvement que pour aller discuter avec Colette. On l'imagine très bien assis dans son fauteuil,  Mme Maigret  s'affairant dans l'appartement - surtout en cuisine - discrète comme toujours. Le commissaire résoudra l'affaire depuis chez lui, aidé quand même par l'inspecteur Lucas, de permanence au Quai des Orfèvres.

Quant à l'intrigue, certaines choses se laissent vite deviner - l'identité d'une des  personnes compromises dans l'histoire ne vous échappera pas - mais si le "qui" est assez évident, le "pourquoi" l'est beaucoup moins,  et c'est ce "pourquoi" que nous découvriront en même temps que Maigret.

L'esprit de Noël est présent à la fin de la nouvelle, je ne vous dis pas comment évidemment.

Un très bon moment de lecture, j'ai bien aimé ce Noël chez M et Mme Maigret :-)


Il était deux fois Noël



Challenge Petit Bac 2014, ligne Polars catégorie Prénom (Noël) chez Enna




7 commentaires:

  1. C'est vrai que Simenon était très fort pour les ambiances , c'est ce que j'aime dans se livres .Tu me donnes envie de lire ce récit .

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  2. Oh ben dis-donc. Je connais bien évidemment Simenon et Maigret, j'ai vu quelques épisodes de-ci de-là... mais je crois que je n'en ai JAMAIS lu ^^ En tous cas tu me donnes envie de m'y plonger (comme souvent d'ailleurs ^^)

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  3. Merci de votre bonne revue. Un petit point: les Maigret ont eu une enfant. Elle est morte tôt. Je crois qu'il y a une seule référence à ce fait dans toute la série Maigret.

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  4. Je n'ai jamais lu un Maigret, mais si je devais, je commencerais par ce titre ! et la fin... Maigret va manger une dinde préparée par sa femme... mettre des charentaises et lire son journal... ?

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  5. J'ai toute la collection de Simenon, et pourtant je n'ai jamais ouvert l'un de ses livres... Il faudra que je me lance^^

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  6. Ce n'est pas un livre que j'aurais lu spontanément mais la couverture est plutôt sympa !

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  7. Et bien je ne savais pas que c'était tiré d'un livre...
    Tu me donnes envie avec cette nouvelle en tout cas, je la note :-)

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